Des perspectives en grandes cultures pour le ARA d’Ecorobotix

La pulvérisation ciblée en temps réel est envisageable sur des pulvérisateurs neufs ou rééquipés a posteriori, mais aussi sur des équipements conçus pour cette utilisation. Bien que la cible principale du ARA d’Ecorobotix soit les légumes de plein champ, Arvalis l’a testé en grandes cultures dans le cadre du projet AgRoboConnect.
Évaluation du ARA d’Ecorobotix sur une parcelle de maïs au stade « 4 feuilles ».

Évaluation du ARA d’Ecorobotix sur une parcelle de maïs au stade « 4 feuilles ».

La détection d’adventices s’est développée au cours des dix dernières années et mobilise aujourd’hui tant les chercheurs que les start-ups et les constructeurs. Sa combinaison avec l’application d’un produit herbicide, uniquement lorsque les adventices sont présentes, répond aux objectifs du plan Ecophyto II+ visant à réduire les quantités de produits phytosanitaires utilisées à la parcelle.

La pulvérisation ciblée en temps réel existe aujourd’hui sur des pulvérisateurs, que les capteurs de détection soient installés d’usine ou en seconde monte, mais également sur des matériels tractés conçus spécifiquement pour cette intervention comme le ARA d’Ecorobotix (encadré).

Caractéristiques du ARA

Le ARA est un pulvérisateur de précision de 6 m de large attelé derrière un tracteur. Deux cuves sont situées à l’avant du tracteur : la première de 300 L, contient la bouillie, la seconde de 600 L contient de l’eau claire et permet de refaire une bouillie au champ. À l’arrière du tracteur, le ARA est composé de trois unités, les unités extérieures se repliant pour le transport. Chaque unité dispose de deux caméras placées à l’avant du capot de protection, qui permettent de différencier les adventices de la culture. Ces dernières ayant leur propre source de lumière, elles peuvent être utilisées de nuit. à l’arrière du capot, les 156 buses (52 par unité), espacées de 4 cm, assurent la pulvérisation. La ligne de buses se positionne automatiquement à une hauteur de 60 cm au-dessus de la culture. Le pixel de pulvérisation au sol est de 6 cm x 6 cm. La bâche tout autour des unités protège des variations de lumière.

Un colorant pour visualiser les zones traitées

Bien que sa cible principale soit les légumes de plein champ, Arvalis a testé le ARA sur une parcelle de maïs de la Digiferme de Boigneville (91) au printemps 2024, dans le cadre d’une convention avec le constructeur et la Chambre d’agriculture d’Île-de-France qui l’a mis à disposition après avoir l’avoir testé sur sa ferme pilote innovation.

L’objectif du test est d’évaluer la précision de l’action couplée « détection – application » du ARA. En effet, il n’est pas possible de qualifier la qualité de l’algorithme indépendamment de la qualité de l’application car aucune carte de détection des adventices n’est enregistrée. Afin de visualiser les zones traitées ou non par le ARA, un colorant (le Compo bleu) est utilisé à la place du produit phytosanitaire. La couleur du colorant est visible sur les plantes mais aussi sur sol nu.

Suite au passage du ARA, deux séries de 150 points géo-référencés sont tirés aléatoirement grâce au logiciel QGIS1. La première série permet de valider au champ si les adventices sont couvertes de colorant (vrais positifs) ou non (faux positifs). La seconde permet de valider si le sol nu est bien indemne de colorant (vrais négatifs). La couleur du colorant s’atténuant avec le temps, deux GPS piéton en précision RTK sont utilisés pour observer les 300 points de contrôle sur la journée.

L’application de colorant a été réalisé à la vitesse de 7,2 km/h, à différents stades de la culture : « 4 », « 5 » et « 8-9 feuilles ». Ces trois passages permettent de mimer une application de postlevée à des stades variés du maïs et voir si l’architecture influence le fonctionnement du ARA.

Une détection-application en postlevée supérieure à 95 %

Au stade « 4 feuilles » de la culture (15 mai), le taux de bonne détection-application est de 98,7 % : sur le terrain, les adventices sont bien couvertes de colorant (48 % - tableau 1) et le sol nu ne présente pas de colorant (47,2 %). Sur 12 points validés (5,4 %), le sol nu présentait du colorant alors qu’il n’aurait pas dû. Il s’agit de résidus de culture identifiés comme des adventices. Cependant, cette erreur n’affecte pas le taux de salissement de la parcelle, il augmente juste la surface pulvérisée. Par contre, le pourcentage de faux négatifs pose plus de problème : les adventices oubliées (1,3 %, 3 points). Il s’agit de deux dicotylédones (non identifiées) de diamètre inférieur à 2 cm et d’une renouée liseron de 5 cm de diamètre. Lors de ce passage, la console du constructeur indiquait une économie de produit de 71,6 % comparé à une pulvérisation en plein.

Détection - Application : la qualité dépend du stade de la culture

Détection - Application : la qualité dépend du stade de la culture

Tableau 1 : Qualité de la détection-application aux stades « 4 », « 5 » et « 8-9 feuilles » du maïs.

Suite à cette caractérisation au colorant, le produit phytosanitaire n’a pas été appliqué. Nous avons préféré attendre que de nouvelles adventices et que celles déjà présentes se développent afin de conserver un certain enherbement sur la parcelle permettant d’analyser le comportement du ARA aux stades ultérieurs du maïs.

Une semaine plus tard, au stade « 5 feuilles », le ARA est à nouveau passé sur la même parcelle. Le taux de bonne détection-application est de 95,7 % (tableau 1). Le nombre d’adventices oubliées n’a pas évolué par rapport à la mesure précédente ainsi que leurs caractéristiques (dicotylédones de diamètre inférieur à 2 cm, non identifiées, et une renouée liseron de 5 cm).

La console du constructeur indiquait une économie de produit de 59,7 %. L’économie est inférieure à celle que nous avions réalisée au stade « 4 feuilles » de la culture (72 %), ce qui est logique puisque les adventices ont continué à lever et celles présentes à se développer. Elles occupaient donc plus de place dans la parcelle au stade « 5 feuilles » que « 4 feuilles ». Contrairement à la précédente, cette intervention a été réalisée avec un herbicide.

Suite à l’application du produit en postlevée, le 23 mai, un nouveau passage de ARA est réalisé le 12 juin au stade « 8-9 feuilles ». Le stade d’utilisation préconisé par le constructeur est dépassé mais nous avons réglé manuellement la hauteur des rampes. Dans ces conditions, le taux de bonne détection-application atteint 88,3 %. Il est effectivement plus faible que lors des autres passages car les feuilles de maïs masquaient les adventices se trouvant sous le feuillage de la culture. Le phénomène était d’autant plus important que le capot de protection du ARA couchait le maïs.

Parmi les zones de sol nu présentant du colorant (6,2 % - tableau 1), nous retrouvons en majorité des résidus de cultures et des cailloux. Les caractéristiques des adventices oubliées sont plus diversifiées : des diamètres jusqu’à 15 cm, des renouées mais aussi un géranium, des laiterons, un mouron et une crucifère. Lors du passage avec le désherbant, la console du constructeur a indiqué une économie de produit de 78 %. Il faut garder en tête que l’économie de produit est liée à l’état de salissement de la parcelle. Les gains mesurés sont donc spécifiques de la parcelle sur laquelle nous avons travaillé.

Une économie de produit proche de 80 % au stade « 8-9 feuilles »

Afin d’étudier l’intérêt de la pratique de la pulvérisation ciblée via le ARA, une évaluation multicritère a été réalisée à l’aide du logiciel SYSTERRE. Ce logiciel, développé par Arvalis, Terres Inovia, ITB et ACTA, permet de décrire sur une exploitation, la SAU, la main-d’œuvre disponible, l’assolement, le parc matériel, l’itinéraire cultural (dates, opérations culturales, intrants et quantité, produits récoltés) puis il permet d’évaluer la technique sous les angles économique, social et environnemental.

La ferme-type utilisée est la ferme « Île-de-France » qui comprend 150 ha (45 ha de blé tendre, 30 ha de colza d’hiver, 30 ha d’orge de printemps, 15 ha de blé dur d’hiver et 30 ha de maïs grain) pour 1 UTH (tableau 2).

IFT et charges herbicides : l’ARA les réduit

IFT et charges herbicides : l’ARA les réduit

Tableau 2 : Résultats technico-économiques et environnementaux calculés sur l’exploitation avec le logiciel SYSTERRE. Post : traitement de postlevée.

Les interventions, en dehors de la pulvérisation ciblée sur le maïs, n’ont pas été modifiées et sont donc équivalentes entre les différents scénarios. Nous avons testé 4 scénarios qui reprennent les économies de produit obtenues sur les essais et qui représentent différents taux de salissement :

  • La référence avec le pulvérisateur conventionnel de 28 m
  • Le pulvérisateur conventionnel et le ARA sur maïs. La pulvérisation ciblée est utilisée en postlevée (surface traitée définie à 50 %) et en rattrapage (surface traitée sur les parcelles définie à 85 %).
  • Le pulvérisateur conventionnel et le ARA sur maïs. La pulvérisation ciblée est utilisée en postlevée (surface traitée définie à 25 %) et en rattrapage (surface traitée sur les parcelles définie à 85 %).
  • Le pulvérisateur conventionnel et le ARA sur maïs. La pulvérisation ciblée est utilisée en postlevée (surface traitée définie à 25 %) et en rattrapage (surface traitée sur les parcelles définie à 50 %).

Une réduction de l’IFT herbicide

Au niveau de l’exploitation, l’utilisation du ARA induit une augmentation du temps de tra­vail de 6 mn/ha (+0,1 h/ha) (tableau 2) puisque le débit de chantier est de 1,6 ha/h avec le ARA (la vitesse maximale d’avancement est de 7,2 km/h) alors qu’il est de 18,2 ha/h avec le pulvérisateur sur le scénario 1 de référence. Par contre, le temps est identique entre les scénarios 2, 3 et 4 car le ARA est utilisé dans les mêmes conditions (sur la même culture et couvrant la même surface).

Le ARA permet de réduire l’IFT herbicide de 2,49 points sur la référence (scénario 1) à 2,41 pour le scénario 2, de 2,39 points sur le scénario 3 et 2,32 sur le scénario 4.

De fait, les charges herbicides passent de 106 €/ha sur le scénario de référence à 102 €/ha sur le scénario 2, 101 €/ha sur le scénario 3 et 98 €/ha sur le scénario 4.

En parallèle, l’investissement du ARA provoque une augmentation des charges de mécanisation mais le calcul s’appuie sur le coût d’un matériel ARA déjà commercialisé et destiné aux légumes de plein champ et non à un matériel adapté pour les grandes cultures. Nous pourrions en effet espérer des résultats différents avec un ARA destiné aux grandes cultures. Ces charges sont donc à considérer avec précaution. Du côté de la consommation d’énergie primaire totale, des émissions de gaz à effet de serre (GES) et de la production d’énergie brute, il n’y a pas de différence entre les différents scénarios.

Compte tenu de ses caractéristiques (largeur, vitesse...), le marché du ARA est principalement représenté par les légumes de plein champ… De fait, le modèle économique actuel (un coût de départ pour l’achat de la machine et un abonnement annuel pour l’utilisation de trois algorithmes) n’est pas adapté aux grandes cultures.

De façon générale, pour transformer un matériel développé sur des cultures spécialisées en matériel « grandes cultures », il doit soit gagner en largeur, soit gagner en vitesse, soit adapter son modèle économique en fonction de l’algorithme utilisé et de sa valorisation au sein de l’exploitation.

(1) Système d’information géographique open source.

À propos d’AgRoboConnect

AgRoboConnect est un projet Interreg France-Wallonie-Flandre qui vise à créer un réseau de plateformes de tests pour valider l’efficacité des systèmes robotisés sur grandes cultures et légumes. Lancé en avril 2024 pour une durée de 4 ans, ce projet est piloté par l’institut belge Inagro et réalisé avec la Chambre d’agriculture de la Somme, et le Centre Wallon de recherche agronomique (CRA-W) et ARVALIS. Pour suivre l’évolution du projet : www.linkedin.com/company/agroboconnect

 

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