Stress climatiques et nutritionnels : quelques biostimulants tirent leur épingle du jeu

Arvalis et Terres Inovia ont testé sur blé tendre et sur colza une dizaine de biostimulants visant à améliorer l’efficience d’utilisation des éléments minéraux ou leur tolérance aux stress climatiques. Il est difficile de mettre en évidence des effets significatifs sur le rendement ou sur les critères de qualité en conditions de plein champ.
De nombreuses interrogations subsistent encore : d’ordre scientifique, pour mieux comprendre le mode d’action des différents biostimulants et leurs interactions avec la plante ou le sol, et d’ordre technique, pour assurer leur efficacité dans des conditions agronomiques variées et fluctuantes.

De nombreuses interrogations subsistent encore : d’ordre scientifique, pour mieux comprendre le mode d’action des différents biostimulants et leurs interactions avec la plante ou le sol, et d’ordre technique, pour assurer leur efficacité dans des conditions agronomiques variées et fluctuantes.

Afin d’évaluer dans quelle mesure les produits présents sur le marché pouvaient effectivement aider à moduler l’effet des stress abiotiques (nutritionnels et climatiques), Terres Inovia et Arvalis ont mis en place plusieurs réseaux d’essais.

Des réseaux d’essais menés en pluriannuel sur colza et blé tendre

Sur colza, les essais ont été conduits par Terres Inovia de 2019 à 2023 et, sur blé tendre d’hiver, les essais ont été menés par Arvalis de 2021 à 2023. S’ajoutent également dans quelques essais des produits dont l’évaluation avait démarré quelques années plus tôt et pour lesquels l’évaluation a été prolongée en 2021 et 2022.

Selon l’année de mise sur le marché des produits et leur disponibilité, tous n’ont pas été testés simultanément dans l’ensemble des essais du réseau. Chaque produit a été appliqué selon les préconisations de son metteur en marché. Pour certains biostimulants, les recommandations ne portent pas sur un stade d’application précis mais plutôt sur un positionnement par rapport à une pé­riode de stress. Cela peut-être, soit en prévision d’un stress à venir dans le cas de Shigeki et du principe actif Aminovital, soit lors de son apparition comme dans le cas de Kaïshi. Dans ces cas de figure, un même produit a souvent été appliqué à des stades différents d’un essai à l’autre.

Pour toutes ces raisons, les différents produits testés dans le réseau n’ont pas été confrontés exactement aux mêmes conditions de stress, ne permettant pas de comparer les produits entre eux. Seul l’écart obtenu avec le témoin sans biostimulant peut être facilement interprété (tableau 1).

BIOSTIMULANTS : produits testés sur blé tendre  et colza

BIOSTIMULANTS : produits testés sur blé tendre  et colza

Cliquez ici ou sur l'image pour zoomer le tableau. 

Peu d’effets significatifs

Que ce soit sur colza ou blé tendre, le gain apporté sur le rendement ou la qualité des graines (teneur en protéines et/ou teneur en huile) reste limité et assez largement non statistiquement significatif. Pour le blé tendre, sur douze produits testés, seuls deux présentent des effets significatifs.

Appetizer permet en moyenne un gain de rendement de 1,1 q/ha par rapport au témoin, sans effet de dilution de la protéine, tandis que Labin Energy Grow n’apporte pas de gain de rendement mais améliore la teneur en protéines de 1,4 point. Pour le colza, l’écart de rendement moyen obtenu est de -0,3 q/ha et n’est pas statistiquement significatif.

Sur les 7 produits testés (3 positionnés en début de cycle et 4 positionnés à floraison), aucun produit n’a d’effet significatif à l’échelle du réseau d’essais, ni sur le rendement, ni sur la qualité des graines. Indépendamment de la significativité statistique des résultats, les différences de rendement dépassent assez rarement le quintal, sauf pour Appetizer sur blé tendre et ValeaMax sur colza (en positionnement à floraison). Il faut noter que ces produits revendiquent une amélioration de l’absorption et de l’efficience d’utilisation des éléments nutritifs et notamment de l’azote. Aucun des produits visant uniquement à améliorer la tolérance des cultures vis-à-vis des stress climatiques n’a eu d’effet dans ces essais.

Agir en modulant le métabolisme des plantes et leur physiologie

Qu’il s’agisse de stimuler les processus de nutrition - par une meilleure efficacité d’absorption et/ou d’utilisation des éléments minéraux prélevés par les cultures - ou de renforcer leur tolérance face aux stress abiotiques, les modes d’action des biostimulants s’appuient sur des processus physiologiques complexes.

Gel ou faibles températures à des stades sensibles de la culture, stress hydrique, fortes chaleurs, rayonnement déficitaire ou excédentaire… peuvent être source de stress oxydatif pour les cultures et provoquer  une réduction de leur activité photosynthétique et donc de leur croissance. Certains biostimulants visent avant tout à réduire l’impact direct de ces stress sur l’activité physiologique des plantes. C’est le cas par exemple des produits apportant des anti-oxydants (comme Revolt Céréales) ou bien spécifiquement pour les produits visant le stress hydrique, comme la proline ou la glycine bétaïne. Ces produits peuvent être appliqués suite à un stress ou, au contraire, en prévention de ces derniers. (Certains principes actifs peuvent ainsi induire, selon les fabricants, un phénomène qui va accélérer par la suite l’induction des mécanismes de réaction au stress.)

D’autres produits contiennent des molécules nécessaires à des activités métaboliques spécifiques et que les plantes synthétisent habituellement, en absence de stress, mais qui peuvent faire défaut lors qu’elles activent leurs mécanismes de défense et ralentissent leur activité physiologique pour faire face à des conditions difficiles. L’apport de ces molécules serait alors perçu par la plante comme un signal de fin du stress.

Enfin, d’autres biostimulants visent à aider la plante à se remettre d’un stress, en accélérant la reprise de la croissance des plantes affaiblies par cette perturbation. Ce sont les produits contenant des sources d’énergie tels que les polysaccharides ou les acides aminés, mais aussi les produits contenant des principes actifs visant spécifiquement la stimulation de la photosynthèse et/ou des processus d’absorption ou d’utilisation des nutriments, comme le principe actif Go Activ, à base d’Ascophyllum nodosum, des produits Appetizer ou encore ValeaMax (qui revendique une stimulation de la synthèse de la nitrate réductase et d’autres protéines impliquées dans le transport des éléments minéraux à l’intérieur de la plante et dans leur réallocation des organes végétatifs vers les grains).

Un coût d’application difficilement rentabilisé

Au-delà des performances techniques, il est essentiel de tenir compte du retour sur investissement de ces produits. À noter que l’approche économique proposée ici a été réalisée sur la base des résultats bruts des essais, indépendamment de la significativité statistique des différences de performances par rapport au témoin.

Sur blé tendre, lorsque le contexte économique est favorable (cours du blé élevé et prix d’achat des biostimulants faible), seulement un peu plus de la moitié des produits, en moyenne, sont rentables. Lorsque le contexte économique s’avère plus difficile (blé à 185 €/t), aucun des produits testés ne permet en moyenne de rentabiliser l’investissement (tableau 2). La plupart des situations étudiées engendrent des pertes économiques de –30 à 60 euros/ha, en fonction de l’hypothèse de coût d’application du produit (coût du produit + coût de passage), allant de 15 à 60 euros/ha.

BIOSTIMULANTS : une rentabilité fonction des prix de vente du blé

BIOSTIMULANTS : une rentabilité fonction des prix de vente du blé

Tableau 2 : Seuil de rentabilité du blé (q/ha). (1) Charges de mécanisation liées à l’application du biostimulant non prises en compte car passage souvent couplé à une autre intervention (engrais, herbicide ou fongicide). Valeurs entre parenthèses : nombre de biostimulants sur les douze testés pour lesquels, en moyenne, le seuil de rentabilité est atteint. Sources : (2) Arvalis, enquête auprès des distributeurs et des fabricants. (3) Observatoire prix Arvalis, Terre net, IPAMPA.
BIOSTIMULANTS : des applications rarement rentables sur colza

BIOSTIMULANTS : des applications rarement rentables sur colza

Tableau 3 : Seuil de rentabilité du colza (q/ha). Valeurs entre parenthèses : nombre de biostimulants sur les sept testés pour lesquels, en moyenne, le seuil de rentabilité est atteint. Sources : (1) Arvalis, enquête auprès des distributeurs et des fabricants. (2) Observatoire prix Arvalis, Terre net, IPAMPA.

Une réponse ponctuelle et dépendante de l’état de la plante

Quel que soit le principe actif utilisé, un biostimulant est une molécule si­gnal appliquée sur un ensemble de plantes qui peut sembler homogène au premier abord, mais qui est en fait composé d’individus tous différents. Le « signal » sera ainsi perçu puis interprété de manière variable d’un individu à l’autre, avec des réponses hétérogènes. Cette réponse sera plus ou moins intense selon l’im­portance du signal perçu et de sa modulation par l’environnement (climat, sol) et de l’état de plante. À l’échelle d’un champ cultivé, la réponse obtenue est donc assez inégale et ne sera pas facilement reproductible dans d’autres conditions. Ces sources de variation dans la réponse au biostimulant expliquent que l’effet d’un biostimulant ne soit pas le même partout, à dose et stade d’application identiques.

Par ailleurs, cette stimulation reste bien souvent ponctuelle. En effet, sur grandes cultures, le produit est appliqué une à deux fois au cours du cycle. La persistance des effets dans le temps est donc capitale. Or, dans plusieurs essais, par exemple sur colza, si des effets ponc­tuels dans les 15 à 30 jours après applica­tion du produit sont observés sur la biomasse fraiche sur colza, ils dispa­raissent par la suite.

Un effet fonction des conditions environnementales

Tous les produits testés disposant d’une homologation, ils ont dû justifier de leur efficacité vis-à-vis des effets revendiqués. Cependant cette évaluation peut être réalisée en conditions contrôlées ou semi-contrôlées. En  situations réelles de plein champ où de nombreux autres facteurs sont à prendre en compte, à commencer par le contexte pédologique et les aléas climatiques, l’expression de ces effets n’est pas toujours au rendez-vous ; et même quand elle l’est, elle ne se traduit pas systématiquement par une amélioration des performances agronomiques (gain de rendement ou augmentation de la teneur en protéines ou en huile). Il est donc nécessaire de bien caractériser les situations dans lesquelles on obtient les meilleurs résultats, autrement dit les conditions optimales d’utilisation de ces produits, et celles dans lesquelles aucun effet n’est observé.

Par la suite, il sera essentiel de disposer d’outils ou d’indicateurs permettant de déterminer si ces conditions sont réunies ou pas, afin de pouvoir décider ou non de l’utilisation du biostimulant en fonction du contexte. Certaines firmes ont d’ailleurs déjà développé leur propre outil d’aide à la décision pour en faciliter le positionnement. Dans la pratique, ces produits sont le plus souvent associés à une application d’herbicide ou à un traitement fongicide afin d’économiser un passage.

Aussi commode soit-elle, cette stratégie ne permet pas forcément de positionner les biostimulants au moment où ils seraient les plus efficaces.

Ces résultats soulèvent également la question de la difficulté de caractérisation des différents stress climatiques et de leur intensité. Contrairement aux carences en éléments nutritionnels, pour lesquels il est relativement aisé d’évaluer l’impact en conditions d’expérimentation au champ grâce à des couples de témoins fertilisés et non fertilisés, il est beaucoup plus complexe d’évaluer l’impact d’un stress climatique quel qu’il soit et, par là même, de savoir si le biostimulant était en situation d’amoindrir les effets du ou des stress.

Par ailleurs, il est difficile d’anticiper les stress climatiques, ce qui rend le positionnement de certains biostimulants, qui doivent être appliqués en prévention, relativement délicat. Une voie de progrès pourrait être de bien identifier les conditions les plus favorables à l’expression de leurs effets (en termes d’état physiologique de la culture et de conditions climatiques) puis, en couplant données météorologiques et modèles de cultures, d’essayer de prévoir l’apparition de ces conditions.

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